MESSAGE
A   LA
JEUNESSE DE FRANCE
29  DÉCEMBRE  1940


JEUNES FRANÇAIS !             

C'EST à vous, jeunes Français, que je m'adresse aujourd'hui, vous qui représentez l'avenir de la France, et à qui j'ai voué une affection et une sollicitude particulières.

             Vous souffrez dans le présent, vous êtes inquiets pour l'avenir. Le présent est sombre, en effet, mais l'avenir sera clair, si vous savez vous montrer digne de votre destin.

             Vous payez des fautes qui ne sont pas les vôtres ; c'est une dure loi qu'il faut comprendre et accepter, au lieu de la subir ou de se révolter contre elle. Alors l'épreuve devient bienfaisante, elle trempe les âmes et les corps et prépare les lendemains réparateurs.

             L'atmosphère malsaine dans laquelle ont grandi beaucoup de vos aînés a détendu leurs énergies, amolli leurs courages et les a conduits par les chemins fleuris du plaisir à la pire catastrophe de notre histoire. Pour vous, engagés dès le jeune âge dans des sentiers abrupts, vous apprendrez à préférer aux plaisirs faciles, les joies des difficultés surmontées.

             Méditez ces maximes :

             Le plaisir abaisse, la joie élève.

             Le plaisir affaiblit, la joie rend fort.

             Cultivez en vous le sens et l'amour de l'effort, c'est une part essentielle de la dignité de l'homme, et de son efficacité.

             L'effort porte en lui-même sa récompense morale, avant de se traduire par un profit matériel, qui d'ailleurs arrive toujours tôt ou tard.

             Lorsque vous aurez à faire choix d'un métier, gardez-vous de la double tentation du gain immédiat et du minimum de peine.

             Visez de préférence aux métiers de qualité, qui exigent un long et sérieux apprentissage, ceux-là même où notre main-d'oeuvre nationale accusait autrefois une supériorité incontestée.

             Lorsque vous aurez choisi votre carrière, sachez que vous aurez le droit de prendre place parmi les élites. C'est à elles que revient le commandement, sur les seuls titres du travail et du mérite.

             Dans cette lutte sévère pour atteindre le rang que vos capacités vous assignent, réservez toujours une place aux vertus sociales, et civiques, à l'entr'aide, au désintéressement, à la générosité.

             La maxime égoïste qui fut trop souvent celle de vos devanciers : chacun pour soi et personne pour tous, est absurde en elle-même et désastreuse en ses conséquences.

             Comprenez bien, mes jeunes amis, que cet individualisme dont nous nous vantions comme d'un privilège est à l'origine des maux dont nous avons failli périr. Nous voulons reconstruire, et la préface nécessaire à toute reconstruction, c'est d'éliminer l'individualisme destructeur, - destructeur de la famille dont il brise ou relâche les liens, - destructeur du travail, à l'encontre duquel il proclame le droit à la paresse, - destructeur de la Patrie dont il ébranle la cohésion quand il n'en dissout pas l'unité.

             Seul le don de soi donne son sens à la vie individuelle en la rattachant à quelque chose qui la dépasse, qui l'élargit et la magnifie.

             Pour conquérir tout ce que la vie comporte de bonheur et de sécurité, chaque Français doit commencer par s'oublier lui-même.

             Qui est incapable de s'intégrer à un groupe, d'acquérir le sens vital de l'équipe, ne saurait prétendre à « servir », c'est-à-dire à remplir son devoir d'homme et de citoyen.

             Il n'y a pas de société sans amitié, sans confiance, sans dévouement.

             Je ne vous demande pas d'abdiquer votre indépendance, rien n'est plus légitime que la passion que vous en avez. Mais l'indépendance peut parfaitement s'accommoder de la discipline, tandis que l'individualisme tourne inévitablement à l'anarchie, qui ne trouve d'autre correctif que la tyrannie.

             Le plus sûr moyen d'échapper à l'une et à l'autre, c'est d'acquérir le sens de la communauté, sur le plan social comme sur le plan national.

             Apprenez donc à travailler en commun, à réfléchir en commun, à obéir en commun, à prendre vos jeux en commun.

             En un mot, cultivez parmi vous l'esprit d'équipe.

             Vous préparerez ainsi le solide fondement du nouvel ordre Français, qui vous liera fortement les uns aux autres, et vous permettra d'affronter allègrement l'oeuvre immense du redressement national.

             Mes chers amis, il y a une concordance symbolique entre la dure saison qui nous inflige ses privations et ses souffrances, et la douloureuse période que traverse notre pays, mais au plus fort de l'hiver, nous gardons intacte notre foi dans le retour du printemps.

             Oui, Jeunes Français, la France, aujourd'hui dépouillée, un jour prochain reverdira, refleurira.

             Puisse le printemps de votre jeunesse s'épanouir bientôt dans le printemps de la France ressuscitée.

 




 

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